Strajk Kobiet – Grêve de la femme
Cela fait (très) longtemps que je n’ai pas écrit. Manque de temps, manque de motivation, et des occasions annulées par le Coronavirus. J’ai quelques articles disponibles sous le coude, mais ils devront attendre pour le moment avant de voir le jour.
Néanmoins, une chose importante a lieu actuellement en Pologne. Un sujet trop important pour ne pas être évoquer. Peut-être l’avez-vous vu dans les journaux français. Je vous en parle dans cet article.
L’avortement en Pologne :
Décision de la Cour Constitutionnelle :
Jeudi 22 octobre 2020, la Cour Constitutionnelle polonaise a durci les règles sur l’avortement. A été décidé que les cas de malformations fœtales graves ne peuvent donner droit à l’avortement, car il s’agirait d’un choix « inconstitutionnel ». Désormais, seul un cas de viol, d’inceste, ou de grossesse dangereuse peut permettre ce droit.
Ainsi depuis cette date, des milliers de personnes sortent tous les jours, dans toute la Pologne, pour protester contre cette décision.
PiS :
Pour mieux comprendre les faits, parlons un peu du cadre politique actuel.
Andrzej Duda est depuis 2015 président de la Pologne, réélu en juillet 2020 pour un mandat de 5 ans. En 2005, il rejoint le parti conservateur Pis (Droit et Justice), fondé par les frères Kaczyński, dont il devient l’un des collaborateurs. Il s’agit d’un parti conservateur, eurosceptique, classé à droite, voire extrême droite.
« Cette fois sera la bonne » :
Le gouvernement polonais n’est pas à son premier essai en matière de décision sur le droit à l’avortement. Voici leur historique :
- 1932 : l’avortement est illégal, jusqu’à une loi de 1932 l’autorisant pour raison médicale « stricte », en cas de viol ou d’inceste, et lorsque la femme enceinte a moins de 15 ans.
- 1956 : durant l’époque de la Pologne Communiste, s’ajoute au droit à l’avortement « les conditions de vie difficiles de la femme ».
- 1993 : après la chute du régime communiste, le droit à l’avortement ne peut avoir lieu que sous les conditions précédentes : en cas de viol, d’inceste, et lorsque la femme enceinte a moins de 15 ans.
- 2016 : le 23 septembre 2016, un projet de loi proposait que tout femme qui avorterait, ou toute personne qui pratiquerait celui-ci serait passible à 5 ans d’emprisonnement. N’autorisant cette fois l’avortement qu’en cas de danger mortel pour la mère. Le 3 octobre 2016, de nombreuses « femmes en grève » ont manifesté dans tout le pays contre ce projet, vêtues de noir pour symboliser la mort de la femme.
- 2017 : le collectif « Sauvons les femmes » obtient 500 000 signatures pour soutenir la création d’un droit à l’interruption volontaire de grossesse durant les trois premiers mois de grossesse. Cette demande fut rejetée à 202 voix contre 194, et 39 élus des partis libéraux absents.
- 2018 : le 8 janvier 2018 le PiS présente le un nouveau projet de loi visant à supprimer le troisième motif légal d’IVG, la grave malformation du fœtus.
Le déroulé de la semaine :
Depuis une semaine, les femmes (mais aussi les hommes) se font entendre quotidiennement à travers des manifestations dans tout le pays. Celles-ci ont commencé dès le jeudi 22 octobre 2020, jour de la décision de la Cour Constitutionnelle. Les slogans les plus fréquents sont « Moje ciało, mój wybór », Mon corps, mon choix, « Krew na rękach », Du sang sur les mains, ou encore « Jebać PIS », F**k PIS. J’aurais tellement à dire, rien qu’avec les différentes réactions, déclarations du gouvernement, mais cela prendrait trop de temps. Je vous laisse un exemple de tweet.
Dimanche 25 octobre :
Malgré quelques incidents, les manifestations actuelles sont relativement pacifiques. Néanmoins, le PiS estime qu’il y a eu en ce dimanche « vandalisme, violation des sentiments religieux, profanation, et violation des règles sanitaires ». Il s’agit surement pour le moment, de la date à laquelle s’est réunit le plus grand nombre de personnes.
N’oublions pas que la Pologne est un pays où l’Eglise à une grande influence. Des actions ont donc été prévues contre celle-ci. Les militants ce sont rendus dans des églises, ont utilisé des symboles chrétiens : des affiches avec l’image d’une femme enceinte crucifiée, et des « billets de banque » avec noté dessus une variante de la formule prononcée avec le signe de la croix, « Au nom du Père,du Fils, … », remplacé par « Au nom de la Mère, de la Fille et de la Sœur bien-aimée ».
Lundi 26 octobre 2020 :
Les manifestants ont procédé au blocage des routes dans plus de 200 villes du pays. Je me suis rendu à celle de Poznań, où un important point de blocage était effectué à Rondo Kaponiera. Il s’agit d’un lieu stratégique puisqu’un grand nombre de bus et tramways y passent toute la journée, et permettent de rejoindre les 4 coins de la ville.
Pour l’anecdote, deux bus ne se sont jamais rendu à mon arrêt, ou peut-être avec un retard conséquent. Il m’a donc fallu prendre une autre ligne pour arriver 45 minutes plus tard que l’heure prévue, et cela en partant à 19h30, heure où la circulation est habituellement bonne.
Dans la majeur partie du temps, les évènements se font, et commencent Plac Wolności (Place de la Liberté), pour la symbolique du lieu mais aussi la facilité à y rassembler un grand nombre de personnes.
La manifestation s’est ensuite dirigé vers un autre lieu symbolique, la Cathédrale de Poznań.
Mercredi 28 octobre 2020 :
La manifestation eu lieu sous le slogan « Nous n’allons pas travailler ». Ce jour-là, les femmes étaient en grève. Il s’agit une fois de plus de bloquer le pays, mais cette fois-ci plus sous un côté économique, en le faisant fonctionner au ralenti.
Parlons chiffres et statistiques :
L’OMS estime que 22 millions d’avortements à risque sont pratiqués dans le monde chaque année. On entend par là des avortements effectués sous de mauvaises conditions sanitaires, et/ou par des personnes non qualifiées.
En Pologne, au minimum 700 à 800 avortements légaux sont pratiqués chaque année, contre des milliers de façon illégale.
En 2019, selon les données officielles du Ministère de la Santé, 1110 procédures d’avortement ont été pratiquées dans des hôpitaux polonais. Cependant, selon la Fédération des femmes et du planning familial, les statistiques officielles déforment la réalité. De plus en plus de femmes, craignant le refus et les problèmes des médecins, décident de se faire opérer à l’étranger, comme en Allemagne ou en Autriche.
La grave malformation du fœtus représente au moins 74% des avortements légaux pratiqués dans le pays. Je dis « au moins » car il est difficile de trouver des chiffres, des statistiques fiables. J’ai parfois trouvé différents chiffres pour une même année et même question avec un écart de 20%.